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Comment savons-nous que les Einsatzgruppen ont assassiné des Juifs parce qu’ils étaient Juifs, et non parce que les nazis pensaient qu’ils étaient des partisans ?
Les négationnistes de la Shoah affirment que :
Les Juifs furent assassinés parce qu’ils étaient des partisans, et non parce qu’ils étaient Juifs.
Plus précisément, Jürgen Graf, un négationniste suisse de la Shoah, affirme que les Juifs « […] constituaient une part disproportionnée des partisans », et par conséquent, « les civils Juifs ont souffert des mesures de répression allemandes à un degré beaucoup plus élevé que les civils non-juifs ».[1] J. Graf admet effectivement que des « fusillades « désorganisées », c’est-à-dire des fusillades qui n’ont pas été menées en réaction face aux attaques de partisans, ne peuvent guère être évitées ».[2]
Arthur Butz, un négationniste américain de la Shoah, soutient que les Einsatzgruppen avaient été chargés de gérer les partisans « par tous les moyens nécessaires, aussi nous n’avons pas vraiment besoin qu’on nous en dise plus pour déduire que les Einsatzgruppen devaient avoir tué de nombreux Juifs, même si nous ne savons pas si « nombreux » signifie 5 000, 25 000 ou 100 000. Naturellement, beaucoup de non-juifs furent aussi exécutés ».[3]
Les faits sont les suivants :
Les paroles et les gestes des nazis font clairement comprendre que la grande majorité des Juifs a été assassinée simplement parce qu’ils étaient Juifs. Le grand nombre de Juifs assassinés par les Einsatzgruppen (1 150 000) ne soutient pas l’idée que les Juifs furent en grande partie tués en tant que partisans. Les Juifs ne représentaient que 10% de tous les partisans en 1944. Il aurait fallu assassiner tous les partisans, les Juifs et les non-juifs par trois fois pour même se rapprocher du nombre de Juifs que les Einsatzgruppen ont assassinés. En outre, si les Juifs avaient effectivement été tués en grand nombre parce qu’ils étaient des partisans, il n’y a toujours aucun moyen de rationaliser la façon dont les Einsatzgruppen ont assassiné les Juifs sans discrimination, y compris les femmes, les enfants, les nourrissons, les personnes âgées et les infirmes.
Qu’est-ce qu’un partisan ?
Un partisan est un membre d‘une force militaire irrégulière qui s’oppose à l’occupation militaire par des activités clandestines. En Union soviétique, les groupes de partisans étaient composés de soldats de l’armée soviétique, de communistes et de civils. Ces partisans s’étaient enfuis dans les bois et pour prendre les armes contre les forces d’occupation allemandes. Les Juifs qui avaient réussi à atteindre les forêts rejoignaient généralement une unité non-juive, mais il y avait aussi quelques groupes partisans entièrement juifs.
Combien de partisans y avait-il en Union soviétique ?
Le nombre exact de partisans (incluant les Juifs) dans les territoires soviétiques occupés est impossible à connaître avec certitude. Pourquoi ? Par définition, les partisans étaient des combattants clandestins, vaguement organisés, libres d’appartenir au groupe, et cachés. Kenneth Slepyan, un érudit du mouvement partisan soviétique, nous informe que, d’après les chiffres des Soviétiques datant de la guerre, l’opposition allemande avait failli détruire le mouvement partisan naissant à la fin de 1941. Toutefois, en 1942, le mouvement commença à se rétablir et, à partir de juin 1942, il y avait près de 70 000 partisans. En août 1942, ce nombre s’élevait à 93 000 ; en février 1943, il était passé à plus de 120 000. Slepyan note cependant que les chiffres soviétiques sont incomplets.[4]
Yitzhak Arad, un érudit respecté qui étudiait la Shoah en Union soviétique, estime qu’il y avait 200 000 à 250 000 partisans en 1944 (et peut-être jusqu’à 350 000). À cette époque, les partisans opéraient dans des centaines de brigades, dont environ 20 000 à 25 000 des partisans étaient des Juifs.[5] D’après ces chiffres, les meilleurs disponibles à l’heure actuelle, il semble que les combattants Juifs représentaient environ 10% de l’ensemble du mouvement partisan.
Les preuves démontrent que les nazis et leurs collaborateurs ont assassiné des Juifs parce qu’ils étaient Juifs :
Tout d’abord, le grand nombre de Juifs assassinés par les Einsatzgruppen (environ 1 150 000) ne soutient pas l’affirmation selon laquelle les Juifs furent tués parce qu’ils étaient des partisans. Ronald Headland, dans Messages of Murder, conclut : « Le bilan statistique de la tuerie dépassa toute association plausible avec les conditions d’un simple travail de police ».[6] De plus, il n’existe aucun moyen de rationaliser l’assassinat en tant que partisans de femmes, d’enfants et de nourrissons juifs.
Que raconte le rapport Jäger ?
Karl Jäger écrivit l’un des plus importants documents montrant que les Juifs furent assassinés en tant que Juifs, et non en tant que partisans. K. Jäger était le commandant de l’Einsatzkommando 3 (rattaché à l’Einsatzgruppe a), qui opérait en Lituanie. Ce document, le « Rapport Jäger », a été soumis à Berlin le 31 décembre 1941. Il énumère méticuleusement les massacres de Juifs exécutés par une seule sous-unité (EK3) d’un Einsatzgruppe dans la région de Vilna. Il documente également leurs activités de septembre à novembre 1941. Voici trois exemples de cette liste :
12.9.41 Wilna (Vilna)
993 Juifs
1 670 Juives
771 enfants juifs
Total : 3 334
27.9.41 Zysisky
989 Juifs
1 636 Juives
821 enfants juifs
Total : 3 446
9.10.41 Svenciany
1 169 Juifs
1 840 Juives
717 enfants juifs
Total : 3 726
Ce ne sont que trois exemples du rapport Jäger, qui énumère 113 opérations distinctes dans 71 différents endroits. Le nombre total de Juifs « liquidés » par son unité en seulement cinq mois était de 137 346.[7]
Dans le résumé de son rapport, Jäger indique clairement que les Juifs furent assassinés parce qu’ils étaient Juifs et non parce qu’ils étaient des partisans : « Aujourd’hui, je peux confirmer que notre objectif, résoudre le problème juif en Lituanie, a été atteint par EK 3. En Lituanie, il n’y a plus de Juifs, en dehors des travailleurs juifs et de leurs familles ». Il n’a pas écrit « Il n’y a plus de partisans », mais « Il n’y a plus de Juifs ».
Le rapport Jäger montre que la théorie du négationniste de la Shoah Jürgen Graf, celle des « fusillades désorganisées », n’est pas étayée par les preuves. Le meurtre des Juifs à l’Est consistait en la destruction systématique et minutieuse, sanctionnée par l’État, de chaque Juif de chaque communauté, jusqu’au dernier. L’histoire est la même partout dans les zones occupées par les quatre Einsatzgruppen.
Les nazis firent une tentative rudimentaire — et en fin de compte peu convaincante — pour expliquer le meurtre des Juifs :
Les nazis ont inventé une grande variété de raisons pour le meurtre des Juifs. Bon nombre de ces « raisons » n’ont rien à voir avec l’activité partisane. Quelques exemples de documents nazis sont énumérés ci-dessous :
RSO 59 (21 août 1941). À Starokonstantinov : « les Juifs étaient impertinents et ont même refusé de travailler. […] En représailles, la brigade SS a mené une action contre les Juifs au cours de laquelle 300 hommes et 139 femmes Juifs ont été abattus ».[8]
RSO 88 (19 septembre 1941). « Les 1 et 2 septembre 1941, des tracts et des brochures incendiaires ont été distribués par des Juifs à Berdichev. Comme les auteurs n’ont pas pu être trouvés, 1 303 Juifs, dont 875 Juives âgées de plus de 12 ans, furent exécutés par une unité des dirigeants supérieurs de la SS et de la police ».[9]
RSO 92 (23 septembre 1941). « Dans le ghetto de Nevel, qui avait été mis en place à environ 3 km à l’extérieur de la ville et qui comptait plusieurs maisons en bois, la gale est apparue, selon le diagnostic d’un médecin allemand. Afin de prévenir la contagion, 640 Juifs ont été liquidés et les maisons furent incendiées ».[10]
RSO 124 (25 octobre 1941). « À Mahiliow, deux Juifs de plus furent liquidés pour avoir donné des coups de pied à des soldats allemands blessés et pour ne pas porter l’insigne (jaune) comme cela avait été ordonné […] Quatre Juifs furent liquidés pour avoir incité les autres à refuser de travailler. Au cours de la période couverte par le rapport, 23 cas individuels d’exécution de Juifs eurent lieu parce qu’ils ne portaient pas l’insigne (jaune) alors qu’ils demeuraient dans la ville. Une escouade d’arrière-garde de l’Einsatzkommando 8, stationnée à Minsk jusqu’au 3 octobre 1941, exécuta 42 autres personnes à Minsk. La plupart d’entre eux étaient des Juifs qui n’avaient pas emménagé dans le ghetto ou qui avaient refusé de porter l’insigne, à l’encontre des ordres […] À Vitebsk, il y eut quatre autres cas de liquidation de Juifs pour avoir flâné à l’extérieur du ghetto et gagné leur vie en mendiant pour la nourriture ; ils avaient aussi enlevé leurs insignes. L’un d’eux avait également fait une remarque insultante sur les membres de l’armée allemande ».[11]
Finalement, les Allemands cessèrent complètement de se soucier de donner une « raison ».
Par exemple, dans le RSO 178 (9 mars 1942), ils annoncèrent simplement : « Au cours d’une action contre les Juifs réalisée les 2 et 3 mars, 3 412 Juifs ont été exécutés à Minsk, 302 à Vileyka et 2 007 à Baranavitchy. En tout, un total de 5 721 Juifs ont été exécutés ».[12]
Ainsi, les documents des nazis eux-mêmes n’affirmaient bien souvent pas que les Juifs étaient tués parce qu’ils étaient des partisans, mais révèlent qu’ils le furent parce qu’ils étaient des Juifs.
Des partisans soviétiques capturés. Bundesarchiv, Bild 183-N0123-500 / CC-BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Conclusion :
L’affirmation des négationnistes de la Shoah, selon laquelle les nazis ont abattu les Juifs parce qu’ils étaient des partisans, ne résiste pas à un examen minutieux. Les déclarations et les documents des nazis font clairement comprendre que la grande majorité des Juifs furent assassinés parce qu’ils étaient Juifs. Il n’était pas non plus question de « fusillades désorganisées », mais de fusillades sanctionnées par l’État, systématiques, et de l’anéantissement complet de tous les Juifs jusqu’au dernier de chaque communauté que les Einsatzgruppen pouvaient atteindre. Les coupables comprenaient des dirigeants supérieurs de la SS et de la police et leur personnel, des bataillons de police et leurs aides locaux.
NOTES
[1] Jürgen Graf, The Giant With Feet of Clay: Raul Hilberg and his Standard Work of the « Holocaust », p. 36 à l’adresse http://vho.org/GB/Books/Giant/Chapter5.pdf.
[2] Jürgen Graf, The Giant With Feet of Clay: Raul Hilberg and his Standard Work of the « Holocaust », p. 36.
[3] Arthur R. Butz, The Hoax of the Twentieth Century: The Case Against the Presumed Extermination of European Jewry (« Chapter 6: Et Cetera ») à l’adresse http://vho.org/GB/Books/thottc/10.html.
[4] Kenneth Slepyan, Stalin’s Guerillas: Soviet Partisans in World War II (University Press of Kansas, 2006), pp. 51-59.
[5] Yitzhak Arad, The Holocaust in the Soviet Union (University of Nebraska Press, 2009), p. 515 et Allen Levine, Fugitives of the Forest: The Heroic Story of Jewish Resistance and Survival During the Second World War (Lyons Press, 1998), p. xxi.
[6] Ronald Headland, Messages of Murder: A Study of the Reports of the Einsatzgruppen of the Security Police and the Security Service, 1941-1943 (Fairleigh Dickinson University Press, 1992), p. 78.
[7] Le « rapport Jäger » est accessible à l’adresse https://fcit.usf.edu/holocaust/resource/document/DocJager.htm.
[8] Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski, et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union, July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), p. 100.
[9] Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski, et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union, July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), p. 140. Voir également http://www.holocaustresearchproject.org/einsatz/situationreport88.html (Rapport de situation opérationnelle de l’URSS n° 88).
[10] Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski, et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union, July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), p. 152.
[11] Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski, et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union, July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), pp. 205, 206.
[12] Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski, et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union, July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), p. 307. Voir également http://www.holocaustresearchproject.org/einsatz/situationreport178.html (Rapport de situation opérationnelle de l’URSS n° 178).