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Introduction : qu’étaient les Einsatzgruppen ?
Les Einsatzgruppen (groupes spéciaux) étaient quatre unités paramilitaires mobiles qui ont été chargées de suivre la Wehrmacht (armée régulière de l’Allemagne) dans l’Union soviétique et ses territoires après l’invasion allemande de l’Union soviétique le 21 juin 1941. Ils étaient chargés d’exécuter les dirigeants du parti communiste, les Juifs et les partisans. Beaucoup des premières victimes des Einsatzgruppen étaient des hommes Juifs, puisque les Allemands croyaient que le communisme était un phénomène juif. Selon cette logique, tous les hommes Juifs étaient des agents communistes. Quelques semaines plus tard, probablement sur les ordres verbaux de Berlin, les exécutions ont commencé à inclure les femmes et les enfants juifs.
Comment les Einsatzgruppen étaient-ils organisés ?
Il y avait quatre grands Einsatzgruppen : A, B, C et D. Des chauffeurs de camion, des opérateurs radio, des administrateurs, des interprètes et d’autres personnes soutenaient les membres actifs de chaque Einsatzgruppe. Chaque Einsatzgruppe était divisé en sous-unités, connues sous le nom de Einsatzkommandos ou Sonderkommandos. Si nécessaire, ces unités pouvaient être divisées en unités encore plus petites sur le terrain (Teilkommandos).
- L’Einsatzgruppe A était rattaché au Groupe d’armées Nord et était composé de 990 hommes. Il était affecté à la région des pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie). Son commandant était Franz Walter Stahlecker ; plus tard, Heinz Jost devint commandant. Cette unité était organisée en deux Sonderkommandos (1a et 1b) et deux Einsatzkommandos (2 et 3).
- L’Einsatzgruppe B était rattaché au Groupe d’armées Centre et comportait 665 hommes. Il était affecté à la région de Biélorussie. Son commandant était Arthur Nebe, avant que celui-ci ne soit remplacé par Erich Naumann. Cette unité était organisée en trois Sonderkommandos (7A, 7B et 7C) et deux Einsatzkommandos (8 et 9). L’Einsatzgruppe B avait aussi une unité spéciale appelée Vorkommando Moskau, initialement commandée par Franz Six et plus tard par Waldemar Klingelhöfer.
- L’Einsatzgruppe C était rattaché au Groupe d’armées Sud et disposait de 700 hommes. Il était affecté au nord et au centre de l’Ukraine. Son commandant était Otto Rasch ; Max Thomas occupa ce poste après lui. Cette unité était organisée en quatre Einsatzkommandos (4a, 4b, 5 et 6).
- L’Einsatzgruppe D était rattaché à la 119e armée et comportait entre 400 et 500 hommes. Il était affecté à la Moldavie, à l’Ukraine du Sud, à la Crimée et au Caucase du Nord (pendant l’année 1942). Son commandant était Otto Ohlendorf, qui fut remplacé plus tard par Walther Bierkamp. Cette unité avait cinq Einsatzkommandos (10a, 10B, 11A, 11B et 12).
Les ordres des Einsatzgruppen venaient directement de Heinrich Himmler, Reichsführer de la SS, par l’intermédiaire de Reinhard Heydrich, l’adjoint d’Himmler.[1] La Wehrmacht avait convenu (par écrit) que dans les zones du front, les Einsatzgruppen seraient sous son commandement et qu’elle offrirait aux Einsatzgruppen tout le soutien logistique nécessaire pour leurs « tâches spéciales».
Trois commandants supérieurs de la SS et de la Police (HSSPL) étaient en charge de grandes portions des territoires soviétiques occupés. Ils étaient Hans Prutzmann, Erich von dem Bach-Zelewski, et Friedrich Jecklen. Ils répondaient à Himmler et ils coordonnaient les activités des Einsatzgruppen dans leurs régions assignées. Ils n’étaient pas les chefs directs des Einsatzgruppen, mais ils pouvaient les utiliser comme aide dans leur zone assignée.[2]
Les quatre Einsatzgruppen ont fait un usage extensif des populations locales afin de mener des massacres le plus efficacement possible. Dans les premiers jours de la guerre sur le front de l’Est, ils ont incité les populations locales en Lituanie, en Lettonie, en Ukraine et en Biélorussie à conduire plus de 60 pogroms brutaux. Ils ont assassiné au moins 10 000 Juifs (et peut-être jusqu’à 24 000).[3]
Lorsque l’envie « spontanée » de « se purifier » (c.-à-d. d’assassiner des Juifs locaux au cours des pogroms) a pris fin, les Einsatzgruppen rassemblèrent des centaines de milliers de volontaires locaux dans des unités officielles. Ces unités agissaient comme des « bourreaux volontaires » et aidaient les nazis.[4] Des volontaires locaux ont également activement mené des exécutions sous la supervision des Einsatzgruppen.[5]
En outre, les commandants supérieurs de la SS et de la Police (HSSPL) avaient des unités de policiers allemands sous leur contrôle direct, qui exécutaient les Juifs sur leur ordre. Ces bataillons de police étaient également disponibles pour aider les Einsatzgruppen. La Wehrmacht (armée régulière allemande) était également impliquée dans le meurtre direct de certains Juifs.
Arthur Nebe. Bundesarchiv, Bild 101III-Alber-096-34 / Alber, Kurt / CC-BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Combien de Juifs les Einsatzgruppen ont-ils tués ?
Même si un chiffre exact ne pourra jamais être donné, selon leurs propres dossiers les Einsatzgruppen ont assassiné au moins 1 150 000 personnes. Même s’ils ne l’étaient pas tous, la plupart étaient des Juifs. La plupart des victimes étaient tuées par balle, mais certaines le furent dans des camions à gaz et lors des pogroms. Les Einsatzgruppen ont incité la plupart des pogroms, même si ce sont principalement les habitants qui les ont dirigés.
Il est important de comprendre que les Einsatzgruppen n’étaient pas directement responsables de tous les meurtres dans l’Est. Ce fait accroît le nombre total de 1 150 000 Juifs tués. En dehors de ceux qui ont été exécutés directement, beaucoup de Juifs sont morts de la ghettoïsation, de maladie, de surmenage ou de privations. En fin de compte, le nombre total de Juifs qui ont été assassinés dans l’Est est plus proche de 2,5 millions. Les Einsatzgruppen n’étaient qu’une partie d’une machine à tuer largement répandue et efficace soutenue par les nazis. Cependant, les Einsatzgruppen et leurs collaborateurs étaient responsables d’environ un tiers à la moitié du nombre de Juifs assassinés.
NOTES
[1] Après la mort de Heydrich en 1942, Ernst Kaltenbrunner a repris ses fonctions, y compris la supervision des quatre Einsatzgruppen.
[2] Pour une discussion approfondie des forces disponibles pour assassiner les Juifs dans l’Est et leur organisation, voir Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Volume 1 (Holmes & Meier, 1985), pp. 273-290 et Yitzhak Arad, The Holocaust in the Soviet Union (University of Nebraska Press and Yad Vashem, 2009), pp. 51-62.
[3] Peter Longerich, Holocaust: The Nazi Persecution and Murder of the Jews (Oxford University Press, 2010), p. 195.
[4] Peter Longerich, Holocaust: The Nazi Persecution and Murder of the Jews (Oxford University Press, 2010), p. 239.
[5] Peter Longerich, Holocaust: The Nazi Persecution and Murder of the Jews (Oxford University Press, 2010), pp. 239, 240.