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Qu’est-ce que Babi Yar et que s’y est-il passé ?
Faits sur le massacre de Babi Yar :
De 1921 jusqu’au 18 septembre 1941, la ville était sous domination soviétique. Cinq jours après que les Allemands fussent arrivés le 19 septembre 1941, un commando spécial du NKVD (police secrète soviétique) fit exploser plusieurs bombes dans le centre-ville de Kiev, détruisant de nombreux bâtiments, comme le grand hôtel où les Allemands siégeaient. Les bombes provoquèrent un grand feu qui brûla pendant une semaine entière et rasa deux kilomètres carrés du centre-ville. Environ 200 Allemands moururent.[2] Malgré leur connaissance de la culpabilité du NKVD dans l’attentat, les nazis ne perdirent pas de temps et blâmèrent les Juifs pour les dommages, saisissant l’occasion pour assassiner tous les Juifs de Kiev en guise de « représailles ».[3]
Qui étaient les bourreaux ?
Une grande force avait été réunie pour mener les exécutions, y compris :
- Le Sonderkommando 4a, sous le commandement direct de Paul Blöbel, qui lui-même répondait à Friedrich Jeckeln, commandant supérieur de la SS et de la Police de la zone opérationnelle de l’Einsatzgruppe C
- La 3e compagnie d’un bataillon de la Waffen-SS
- Les bataillons de police 9, 45 et 305
- Des forces auxiliaires ukrainiennes[4]
29 et 30 septembre 1941 : le massacre de Babi Yar
Le 26 septembre 1941, une annonce fut publiée dans les rues ordonnant à tous les Juifs de Kiev de se réunir à 8 h 00 le 29 septembre 1941. Ils devaient apporter leurs documents d’identification, de l’argent, des objets de valeur et des vêtements chauds. Le matin du 29 septembre, les Juifs assemblés furent menés vers le cimetière juif qui longeait le bord de Babi Yar.
Un témoin ukrainien, Fedir Pihido, se rappelle : « des milliers de personnes, principalement des personnes âgées, mais ceux d’âge moyen ne manquaient pas non plus — se déplaçaient vers Babi Yar. Et les enfants — mon Dieu, il y avait tant d’enfants ! Tout cela se déplaçait, accablé de bagages et d’enfants. Ici et là, les personnes âgées et malades qui n’avaient pas la force de se déplacer par elles-mêmes étaient transportées, probablement par leurs fils ou leurs filles, sur des charrettes sans aucune aide. Certains pleuraient, d’autres les consolaient. La plupart se déplaçaient l’air renfermé sur eux-mêmes, en silence et avec un regard condamné. C’était un spectacle terrible ».[5]
Au cimetière juif, des clôtures avaient été mises en place et la zone était gardée par trois anneaux de soldats et de policiers. Les Juifs reçurent l’ordre de se déshabiller par groupes, et de laisser derrière eux leurs documents d’identification, leurs biens et leurs objets de valeur. Ils furent ensuite conduits dans le ravin à travers des sentiers déjà existants et quelques chemins nouvellement faits ; les nazis et leurs collaborateurs les menèrent après cela à divers sites d’exécution, s’étendant sur plus d’un kilomètre dans tout le complexe du ravin. Les Juifs étaient abattus soit couchés, soit debout sur un rebord étroit. Cela dépendait du site d’exécution. Une fois la nuit tombée, les nazis et leurs collaborateurs cessaient de procéder à de nouvelles exécutions et commençaient à marcher au milieu des corps en tirant sur tous ceux qui étaient encore en vie. L’abattage continua pendant deux jours. Selon les registres des Allemands, 33 771 Juifs furent abattus en seulement deux jours, les 29 et 30 septembre.[6]
Beaucoup d’autres personnes furent exécutées à Babi Yar pendant les deux années d’occupation nazie à Kiev, y compris des Juifs, des prisonniers de guerre soviétiques, des Roms et des prisonniers politiques. Les meurtres dans le ravin continuèrent jusqu’au tout dernier moment où les nazis commencèrent à fuir l’armée soviétique qui approchait. On ne sait pas combien de personnes furent en fin de compte assassinées à Babi Yar pendant l’occupation nazie — certains pensent que le chiffre pourrait dépasser les 100 000.
Après le massacre :
Les nazis utilisaient des prisonniers de guerre pour recouvrir les charniers d’origine dans le ravin. Deux ans plus tard, en septembre/octobre 1943, alors que l’armée russe s’approchait de Kiev, les nazis se précipitèrent pour déterrer les corps et les brûler. Ils utilisèrent les esclaves du camp de concentration de Syrets, qui était proche. Pendant six semaines, ce Sonderkommando déterra les corps, les brûla sur des grilles de crémation, et réenterra ou dispersa les cendres. Déduisant correctement que les nazis les élimineraient quand leur travail serait terminé, les hommes du Sonderkommando se révoltèrent et s’échappèrent. Sur les 14 hommes qui survécurent à l’évasion, huit racontèrent leurs histoires après la guerre.
Allée à Babi Yar, Kiev. Par Roland Geider (Ogre) (travail personnel) [domaine public], via Wikimedia Commons.
Babi Yar aujourd’hui :
Le 13 mars 1961, un barrage retenant les déchets d’usines avoisinantes a éclaté. Un mur d’eau a balayé le ravin de Babi Yar, détruisant tout sur son chemin et tuant plusieurs milliers de personnes dans le voisinage autour du ravin. Cette catastrophe a grandement changé la topographie du ravin et emporté une grande partie de la preuve matérielle du massacre. Les chantiers de construction qui ont suivi ont transformé Babi Yar. Aujourd’hui, le site ne peut plus être reconnu parce qu’il a été nivelé pour la construction d’un parc, d’appartements, de routes et de ponts.[7]
NOTES
[1] Karel C. Berkhoff, « Babi Yar: Site of Mass Murder, Ravine of Oblivion », p. 2 à l’adresse https://www.ushmm.org/m/pdfs/Publication_OP_2011-02.pdf
[2] Le fait que le NKVD a posé les bombes a été attesté par Alfred Jodl, chef d’état-major des opérations du haut commandement des forces armées, au Tribunal militaire international de Nuremberg. Au début, les Allemands pensaient que c’était du sabotage de la part de la population locale, mais ils ont plus tard trouvé un tableau de démolition qui avait été préparé longtemps auparavant, et qui listait 50 ou 60 bâtiments qui devaient être détruits. A. Jodl lui-même a vu le tableau et l’a utilisé pour désamorcer les 40 bombes restantes avant qu’elles ne puissent exploser. http://holocaustresearchproject.org/einsatz/babiyar.html.
[3] Pour un compte rendu complet des évènements entourant la destruction de Kiev et le rassemblement et l’exécution des Juifs qui s’ensuivirent, voir Karel C. Berkhoff, « Babi Yar: Site of Mass Murder, Ravine of Oblivion », p. 2.
[4] Peter Longerich, Holocaust: The Nazi Persecution and Murder of the Jews (Oxford University Press, 2010), p. 224.
[5] Karel C. Berkhoff, « Babi Yar: Site of Mass Murder, Ravine of Oblivion », pp. 5, 6.
[6] Rapport de situation opérationnelle de l’URSS n° 101, 2 octobre 1941 et Rapport de situation opérationnelle de l’URSS n° 106, 7 octobre 1941 in Yitzhak Arad, Shmuel Krakowski et Shmuel Spector (éditeurs), The Einsatzgruppen Reports: Selections from the Dispatches of the Nazi Death Squads’ Campaign Against the Jews in Occupied Territories of the Soviet Union July 1941-January 1943 (Holocaust Library, 1989), pp. 168, 173. Ils sont également disponibles à l’adresse http://www.holocaustresearchproject.org/einsatz/situationreport150.html.
[7] Vous pouvez voir une image montrant ce à quoi la région de Babi Yar ressemble maintenant à l’adresse http://commons.wikimedia.org/wiki/file :Babi_Yar_12.jpg.