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Combien de Juifs les nazis et leurs collaborateurs ont-ils assassinés aux camps d’extermination de l’opération Reinhard de Treblinka, Belzec et Sobibor ?
Les négationnistes de la Shoah affirment que les nombres de Juifs assassinés à Treblinka, Belzec et Sobibor (environ 800 000, 450 000 et 170 000 respectivement) furent « simplement inventés » et ne sont que « des chiffres complètement sortis de nulle part ». Les négationnistes disent qu’il n’y a « aucune preuve documentaire ou matérielle » soutenant ces chiffres.[1]
Comment savons-nous combien de Juifs furent assassinés à Treblinka, Belzec et Sobibor ?
Nous ne connaissons pas le nombre exact de Juifs que les nazis et leurs collaborateurs ont assassinés dans les trois camps d’extermination de l’opération Reinhard. Pourquoi ? Odilo Globocnik, le chef de l’opération Reinhard, avait ordonné que la plupart des dossiers fussent détruits. La plupart des historiens et des enquêteurs qui essayèrent de calculer un bilan des morts juste après la guerre disposaient de peu de preuves documentaires avec lesquelles travailler. Ils reconstruisirent le nombre de victimes sur la base de suppositions éclairées portant sur le nombre de convois et la taille moyenne d’un convoi. Ils ajoutèrent ces chiffres reconstruits au témoignage oculaire des survivants et des tortionnaires. Cette méthode conduisit à des nombres qui étaient souvent trop élevés. Cependant, les documents nazis nouvellement accessibles permirent aux historiens modernes de faire des calculs plus précis — quoique pas parfaits pour autant.
Déportation des Juifs de Marseille, en France. Bundesarchiv, Bild 101I-027-1477-21 / Vennemann, Wolfgang / CC-BY-SA 3.0 [CC BY-SA 3.0 de (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/de/deed.en)], via Wikimedia Commons.
Documentation nazie sur le nombre de Juifs assassinés dans les camps d’extermination :
Il existe deux documents primaires essentiels qui fournissent des preuves détaillées sur le nombre de Juifs assassinés aux camps d’extermination de l’opération Reinhard jusqu’à la fin de 1942. Ces documents primaires sont :
- Le télégramme de Höfle daté du 11 janvier 1943
- Le rapport Korherr daté de mars 1943
Le télégramme de Höfle :
Des chercheurs découvrirent ce télégramme en 2000 dans un lot de documents nouvellement déclassifiés de la Seconde Guerre mondiale, dans le Bureau des archives publiques de Kew, en Angleterre. Le télégramme avait été intercepté et décodé par les Britanniques, qui ne comprirent pas ses implications à ce moment-là et le classèrent.[2]
Hermann Höfle, adjudant d’Odilo Globocnik à Lublin, en Pologne, envoya le télégramme à Adolf Eichmann à Berlin, en Allemagne, le 11 janvier 1943. Le télégramme fut estampillé « secret d’État ». Il énumérait le nombre d’arrivées aux camps d’extermination de l’opération Reinhard (Treblinka, Belzec et Sobibor) et à Majdanek (un camp de concentration à Lublin) au cours des deux dernières semaines de décembre 1942. H. Höfle y donnait également le nombre total de Juifs qui avaient été envoyés à ces camps jusqu’au 31 décembre 1942. Ses chiffres étaient les suivants :
Total des deux semaines précédentes jusqu’au 31 décembre 1942
(L)ubin……………………………12 761………………………………………………………………………….24 733
(B)elzec………………………………..0………………………………………………………………………….434 508
(S)obibor……………………………515…………………………………………………………………………..101 370
(T)reblinka………………………..10 335………………………………………………………………………..713 555
Total……………………………….23 611…………………………………………………………………..1 274 166
Télégramme, 15 janvier 1943 Hermann Höfle (1911 – 1962) (domaine public), via Wikimedia Commons
En ce qui concerne les chiffres les plus élevés de Höfle, nous ne nous préoccuperons que de Belzec, Sobibor et Treblinka.
Belzec : le premier convoi arriva le 17 mars 1942 et le dernier arriva dans la première quinzaine de novembre 1942. Ainsi, le nombre de 434 508 victimes à Belzec donné par Höfle est un total raisonnable pour la durée d’activité du camp.
Sobibor : le premier convoi arriva au début de mai 1942 et les convois perdurèrent jusqu’à octobre 1943. Des recherches récentes indiquent que les convois en provenance de France, des Pays-Bas, de Yougoslavie, de Pologne, de Lituanie et de Biélorussie arrivèrent en 1943, ajoutant 68 795 autres victimes, pour un total de 170 165 sur la durée d’activité du camp.[3]
Treblinka : le premier convoi arriva le 23 juillet 1942 et le dernier arriva le 21 août 1943. H. Höfle donna le chiffre de 713 555 victimes à la fin de décembre 1942. De nombreux convois de l’année 1943 furent identifiés et un minimum d’au moins 71 000 victimes peut être ajouté pour un total effectif d’environ 784 555 sur la durée d’activité du camp.[4]
Tous les convois envoyés aux trois camps ne sont pas connus. Mais les preuves montrent qu’un minimum de 1 389 228 Juifs furent assassinés dans ces trois camps.
Un examen du rapport Korherr :
Richard Korherr était statisticien pour le troisième Reich. En mars 1943, il fut chargé par Heinrich Himmler, le chef de la SS, de la préparation d’un rapport d’avancement sur la Solution finale. R. Korherr travailla dans le bureau d’Adolf Eichmann à Berlin et avait accès à tous ses dossiers relatifs à l’immigration et aux déportations. R. Korherr rédigea un rapport de 16 pages intitulé froidement « La Solution finale de la question juive européenne », dans lequel il totalisa les pertes et les ajouts dans la population juive sous contrôle nazi entre 1933 et 1943. Il calcula les changements dans la population juive dus à l’immigration, aux décès, aux naissances et aux évacuations et documenta également l’emplacement actuel des Juifs vivants restants (camps de concentration, camps de travail, prisons, ghettos, etc.). Il conclut qu’en une décennie, le nombre total de Juifs sous l’influence des nazis avait été « presque réduit de moitié », cela dans une grande partie d’Europe occidentale, de l’Autriche post-Anschluss, de la Pologne occupée, des États baltes et des territoires soviétiques occupés. La population juive d’origine de toutes ces zones avait été diminuée de près de 4 millions.[5]
Le sort de nombreux Juifs qui n’avaient pas réussi à émigrer vers des pays et des régions en dehors du contrôle allemand (c’est-à-dire les États-Unis, l’Amérique centrale et du Sud, la Palestine, l’Afrique, l’Asie et l’Australie) est clairement établi dans une section du rapport de Korherr intitulée « L’évacuation des Juifs ». Il compta la plupart des Juifs « disparus » d’Europe occidentale et de Pologne dans une statistique glaçante intitulée « Le déplacement des Juifs des provinces de l’Est vers l’Est russe ». Les chercheurs savent qu’il parlait en réalité de meurtre et non de délocalisation. R. Korherr cite le chiffre exact de H. Höfle (1 274 166) pour le nombre de Juifs qui avaient été « traînés » par Belzec, Sobibor, Treblinka et Majdanek. Il est clair que R. Korherr avait accès au télégramme de Höfle au moment de ses recherches et qu’il considérait les chiffres de Höfle comme étant les plus précis disponibles.
Nous savons, grâce à la documentation existante, que le rapport final de Korherr fut « assaini » afin d’occulter le meurtre systématique des Juifs européens par les nazis. Lorsque R. Korherr soumit son premier rapport à Himmler, il fut avisé que Himmler ne voulait « aucune mention qui fasse de quelque manière que ce soit référence au "traitement spécial des Juifs" ». Les autorités nazies fournirent à R. Korherr les formulations exactes qu’il était censé utiliser pour l’« évacuation » des Juifs des provinces de l’Est. Il devait se référer à ces Juifs comme ayant été « traités dans les camps du gouvernement-général ». On apprit à R. Korherr qu’« une autre appellation ne peut pas être utilisée ».[6] R. Korherr modifia consciencieusement les mots offensants et présenta de nouveau le rapport. Nous ne savons pas quelle est la formulation exacte de R. Korherr dans la première ébauche du rapport. La première ébauche n’a pas été trouvée. Pourtant, les documents restants, la lettre disant à R. Korherr quels mots substituer et la version finale de son rapport, en disent long. Lorsqu’ils sont associés aux témoignages oculaires et à une analyse scientifique des sites des camps d’extermination, il devient évident que le meurtre était ce à quoi ces camps s’affairaient. Ainsi, le rapport Korherr est un compte rendu assez précis du nombre de Juifs assassinés dans ces camps. De même, R. Korherr semble avoir fait une erreur dans ses formulations, une erreur qui apparaît dans l’appellation nazie « traitement spécial ». R. Korherr a oublié de remplacer l’une des instances de l’expression « traitement spécial » dans son rapport. Le code communément utilisé par les SS pour signifier meurtre, « évacué », est resté dans une section du rapport où R. Korherr énumère le total de tous les Juifs (1 873 549) qui avaient été « évacués » à l’Est.[7]
Que disent les négationnistes de la Shoah à propos du rapport Korherr ?
Les négationnistes de la Shoah tentent de défaire la crédibilité du rapport Korherr de diverses façons, en affirmant même que le rapport ne fournit « aucune preuve explicite » d’une politique de « Judéocide ».[8] Dans l’ensemble, ils prétendent que R. Korherr était incompétent et que ses chiffres ne valent rien. Lorsque leur attaque contre la crédibilité du rapport ne fonctionne pas, ils prétendent alors que R. Korherr exagérait les chiffres de l’immigration et de l’évacuation pour permettre à Himmler d’impressionner Hitler avec son efficacité. Enfin, si l’attaque contre la compétence et la crédibilité de R. Korherr échoue, alors les négationnistes allèguent que quelqu’un a trafiqué le document après la guerre. Ils suggèrent qu’une partie anonyme doit avoir cherché à épingler l’accusation de génocide sur les Allemands.[9]
Comment savons-nous que le rapport Korherr est digne de confiance ?
L’exactitude des chiffres de R. Korherr peut être vue dans ses calculs du nombre de Juifs déportés de France au 31 décembre 1942. Les listes de convois français existent toujours et sont bien établies, comprenant les noms, nationalités, dates de naissance, et lieux de naissance de chaque Juif déporté. Le chiffre calculé à partir des listes de convois est de 41 941. Le chiffre de R. Korherr est 41 911. La différence est de 30. Le chiffre de R. Korherr pour les Juifs belges est de 16 886, tandis que le total des listes de convois réelles est de 16 861. C’est une différence de 25 personnes.[10] Ces différences sont minuscules et prouvent que R. Korherr travaillait avec des documents allemands fiables.
Il faut également garder à l’esprit que R. Korherr cite le télégramme de Höfle avec précision, fournissant le chiffre de Höfle pour le nombre de Juifs (1 274 166) qui avaient été « traînés » par Belzec, Sobibor, Treblinka et Majdanek. Il n’y a pas eu d’« exagération », les chiffres proviennent directement des chiffres recueillis par d’autres fonctionnaires.
Ainsi, les chiffres de R. Korherr sont tout à fait exacts et les affirmations faites par les négationnistes de la Shoah sont tout simplement fausses. De même, lorsque les négationnistes de la Shoah suggèrent que quelqu’un a trafiqué un document après la guerre, comme le rapport Korherr, ils emploient une tactique habituelle de diversion sans avoir aucune preuve. Les négationnistes affirment simplement que tout document qui ne soutient pas leurs affirmations doit être faux ou falsifié. Il n’y a aucune preuve que quelqu’un ait jamais trafiqué le rapport Korherr de quelque façon que ce soit.
Conclusion :
Les affirmations des négationnistes de la Shoah sont fausses. Les chiffres du nombre de Juifs assassinés dans les camps de l’opération Reinhard ne furent pas « simplement inventés » ou « sortis de nulle part ». Des recherches précises, basées sur la documentation nazie, montrent que les nazis et leurs collaborateurs ont assassiné environ 1,4 million de Juifs à Treblinka, Belzec et Sobibor.
NOTES
[1] Carlo Mattogno et Jürgen Graf, Treblinka: Extermination Camp or Transit Camp? (Theses & Dissertations Press, 2004), p. 101 à l’adresse http://vho.org/dl/ENG/t.pdf. Voir également Mark Weber et Andrew Allen, « Wartime Aerial Photos of Treblinka Cast New Doubt on ‘Death Camp’ Claims », Journal for Historical Review, été 1992 (Vol. 12, n° 2), pp. 133-158 à l’adresse http://www.ihr.org/jhr/v12/v12p133_Allen.html.
[2] Peter Witte et Stephen Tyas, « A New Document on the Deportation and Murder of Jews during ‘Einsatz Reinhardt’ 1942 », Holocaust and Genocide Studies, V15, N3, hiver 2001, p. 472. L’article peut être lu dans son entièreté à l’adresse http://www.rodoh.us/052003-02282012arch11101961/arts/arts1/witte2001/witte-tyas_hgs2001-468.pdf.
[3] Jules Schelvis, Sobibor: A History of a Nazi Death Camp (Berg, 2007), pp. 197-229.
[4] Yitzhak Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka: The Operation Reinhard Death Camps (Indiana University Press, 1987), Appendix A, pp. 381-398. Voir également Sybil Milton, traducteur, The Stroop Report: The Jewish Quarter of Warsaw Is No More! (Pantheon Books, 1979), rapport du 24 mai 1943.
[5] « The Korherr Report » à l’adresse http://forum.axishistory.com/viewtopic.php?p=2097&sid=e1c472e6de9afcd87ee33c811089e651. The Report in German can be found at http://www.ns-archiv.de/verfolgung/korherr/korherr-lang.php.
[6] « Richard ‘I Didn’t know’ Korherr » à l’adresse http://holocaustcontroversies.blogspot.com/2007/04/richard-i-didnt-know-korherr.html.
[7] « The Korherr Report ».
[8] Stephen Challen, Richard Korherr and His Reports (Cromwell Press, 1993), p. 42.
[9] Stephen Challen, Richard Korherr and His Reports (Cromwell Press, 1993), p. 43.
[10] Georges Wellers, « The Number of Victims and the Korherr Report » in Serge Klarsfeld, éditeur, The Holocaust and the Neo-Nazi Mythomania, pp. 148-149.